Karine Dartois, Médiatrice de France compétences, fait le bilan de son premier mandat.
VOTRE PREMIER MANDAT A ÉTÉ MARQUÉ PAR UNE PROFONDE STRUCTURATION DES PROCESS. COMMENT ENVISAGEZ-VOUS CE NOUVEAU MANDAT ?
Le premier mandat a été effectivement marqué par la construction et l’installation de cette nouvelle fonction au sein de la nouvelle institution France compétences, sur de nouveaux dispositifs.
Le processus de médiation a été défini dès 2019, puis a fait l’objet d’ajustements pour répondre au plus près des besoins et de la réalité des saisines.
Aujourd’hui, avec près de 1 600 saisines (dont 35 % de demandes inéligibles mais qui font toutes l’objet d’une réponse et le plus souvent d’une réorientation vers un interlocuteur identifié), le processus de médiation est désormais stabilisé, ce qui n’empêche pas des adaptations régulières en fonction de nouvelles situations rencontrées.
Ce second mandat est donc plutôt le signe de la consolidation et d’une écoute renforcée des usagers. En effet, le développement de la médiation entre les citoyens et les administrations est encore relativement récent en France (les plus anciennes médiations institutionnelles n’ont guère plus de 20 ans) et il répond à des attentes fortes des citoyens en matière de qualité de la relation entre les usagers et les services publics : réactivité, simplicité, transparence, égalité, proximité, etc.
Aussi, « accueillir, comprendre et expliquer » fait partie du service apporté et dans cette mission, il est vrai que la médiation bouscule bien souvent les institutions !
C’est la raison pour laquelle l’écoute est la clef de voûte du travail de la médiation car elle permet aux usagers de pouvoir exposer leur situation et d’être entendus. Dans un certain nombre de cas, la médiation ne peut pas répondre favorablement à la demande (notamment lorsque la réglementation a bien été appliquée et que la situation était identifiée) mais le fait d’avoir pu exposer ses difficultés et d’avoir obtenu en retour des explications concrètes et objectivées permet la plupart du temps de rassurer les personnes sur le traitement équitable de leur dossier et d’éloigner toute impression d’arbitraire ou d’iniquité.
Il est d’ailleurs courant que la médiation soit remerciée pour son écoute et ses explications, alors même qu’elle vient confirmer la décision de l’opérateur. En effet, la majeure partie des différends rencontrés entre les opérateurs concernés et les usagers proviennent d’un déficit de communication. De son côté, la liberté du médiateur (qui ne se situe pas dans une chaîne hiérarchique) lui permet d’avoir une action pédagogique à l’égard des requérants.
LE DIALOGUE AVEC LES PARTIES PRENANTES EST ESSENTIEL, MAIS LE POUVOIR DE RECOMMANDATION L’EST TOUT AUTANT ! COMMENT CETTE MISSION, PROPRE À LA MÉDIATION INSTITUTIONNELLE, PERMET-ELLE D’AMÉLIORER L’ÉCOSYSTÊME ?
La médiation institutionnelle se développe dans un contexte de réformes (loi justice 21 ou ESSOC) visant à rapprocher les citoyens de l’administration, à renforcer leur capacité à faire valoir leurs droits et à humaniser le fonctionnement de cette dernière jugé souvent trop lourd.
C’est précisément dans cette optique d’amélioration du service rendu à l’usager et pour se doter d’une fonction « sentinelle », capable de repérer sur la base des réclamations formulées par les usagers les situations qui nécessitent d’être mises en lumière, que le Médiateur institutionnel a trouvé sa place au sein des organisations.
En effet, au sein des administrations, les différends résultent le plus souvent de l’application de processus rédigés pour un traitement de masse des dossiers et selon une réglementation qui ne prend pas toujours en compte la situation singulière de certains usagers.
Dans ce cadre, le Médiateur intervient pour rééquilibrer l’asymétrie entre, d’un côté, un particulier (personne physique) qui peut avoir besoin de faire reconnaître une situation particulière et, de l’autre, une organisation (personne morale) qui se trouve dans l’obligation d’appliquer des règles, sans avoir la capacité de les remettre en cause.
Face à cette situation, l’action de la médiation est importante et permet de dépasser les ressentis. Aussi, la capacité d’écoute et d’analyse du Médiateur revêt une importance toute particulière puisqu’elle permet, d’abord, de comprendre les difficultés rencontrées par l’usager, pour ensuite les traduire dans le « langage des professionnels » de l’institution, afin de dialoguer avec eux en occupant une position de tiers neutre, impartial et indépendant, qui permet de rééquilibrer les positions en présence.
La réglementation ne pouvant tout prévoir, les recommandations en équité permettent notamment de prendre en compte des situations qui n’avaient pas été anticipées et vis-à-vis desquelles l’application stricte de la règle produit des effets contraires à l’esprit de la règle, et donc des iniquités. Ce pouvoir de proposition ou de recommandation du Médiateur institutionnel est particulièrement important et se distingue en cela de la médiation conventionnelle.
C’est un outil d’amélioration continue du service rendu aux usagers puisque le Médiateur est fondé à formuler des propositions qui permettent de faire évoluer à la fois la pratique des administrations ou des opérateurs chargés d’une mission de service public, mais également la réglementation lorsque certains points sont mis en lumière.